Les puits du corps : origines de l’acupuncture


Les puits du corps : origines de l’acupuncture
Xué (穴) : la sagesse d’un point oublié
Dans les temps anciens de la Chine, bien avant que la médecine ne s’organise en systèmes structurés, la maladie n’était pas une affaire biologique, mais une offense au sacré.
Vers le XXIe siècle av. J.-C., à l’époque légendaire de la dynastie Xia, on croyait que chaque élément du monde était l’expression d’une divinité. Un objet, un animal, un parent : tout pouvait abriter une présence divine.
Tomber malade signifiait alors avoir brisé un lien sacré avec ces forces invisibles.
Des dieux aux ancêtres
Peu à peu, une nouvelle idée s’est imposée : et si ce n’étaient pas les dieux, mais nos ancêtres eux-mêmes qui nous protégeaient ou nous punissaient ? Le culte des morts devint alors central dans la société.
On évitait d’offenser un défunt, de peur d’en subir les conséquences. Si une personne tombait malade, on se rendait sur sa tombe – souvent située dans une grotte ou un trou – pour conjurer le mauvais sort.
Les rituels mêlaient objets et mouvements : des lances et des piques (ancêtres des aiguilles d’acupuncture), des flambeaux (origines de la moxibustion), et des danses rituelles (préfiguration du Qi Gong et du Taiji Quan).
L’objectif ? Repousser les esprits et rétablir l’ordre énergétique dans le corps.
L’émergence des « puits » du corps – l’acupuncture
Un jour, une idée fondamentale vit le jour : et si les esprits pénétraient en nous ?
Il fallait alors les atteindre là où ils se cachaient : dans des trous, des grottes, des puits invisibles du corps.
C’est de cette vision qu’est né le concept de « xué » (穴) – les points d’acupuncture. Le caractère chinois représente un espace protégé, avec deux parois (八) et un toit, comme un abri.
Entretenir un puits : une métaphore vivante du soin traditionnel
Nourrir le puits
Prendre soin d’un puits, c’est comprendre ce que signifie prendre soin du corps dans la tradition médicale chinoise.
Un puits doit d’abord contenir de l’eau. Il ne peut être sec. Cette eau symbolise les liquides organiques et le Qi nourricier, alimentés par la diététique et la pharmacopée.
La Terre nourricière – associée à la Rate et à l’Estomac – doit permettre à cette énergie de remonter du fond vers la surface. Sans cette richesse interne, aucun traitement ne peut émerger efficacement.
Créer le vide utile
Ensuite, le puits doit être débouché. Il faut du vide pour que l’eau puisse monter.
En médecine chinoise, ce vide utile est un principe fondamental, comme l’exprime le Dao De Jing :
« Trente rayons convergent au moyeu d’une roue,
mais c’est le vide au centre qui la rend utile. »
(Dao De Jing, chapitre 11)
Pour libérer ce vide, on utilise des outils thérapeutiques : aiguilles, ventouses, moxas, marteau aux 7 étoiles.
Comme on nettoie un puits, le praticien retire les blocages énergétiques. Parfois, il faut symboliquement descendre au fond du puits : c’est le rôle des moxas, qui apportent lumière et chaleur dans les zones froides et stagnantes.
Dégager les chemins d’accès
Encore faut-il accéder au puits. Les chemins escarpés, couverts de végétation et de roches, deviennent la métaphore des tissus corporels : rétractions, cicatrices, tensions.
Les méridiens doivent être libérés, les passages assouplis, les tensions dénouées : c’est le rôle du Tui Na, du Qi Gong, du Taiji, et des manœuvres tissulaires.
Zhuangzi disait dans son œuvre :
« Le sage laisse couler la vie comme un fleuve suit son lit. »
(Zhuangzi, chapitre 6)
Un bon praticien agit de même : il ne force pas. Il prépare les conditions du flux. Il entretient les margelles (la peau, les fascias), veille à la protection du couvercle (barrière externe), et s’assure que l’intérieur reste pur, fluide et vivant.
Conclusion : le corps, un écosystème à cultiver
Cette vision symbolique du corps-puits éclaire toute la sagesse des thérapies manuelles chinoises.
On ne peut atteindre un point d’acupuncture sans respecter l’ensemble du tissu. La qualité du soin dépend :
de la richesse interne (Qi et Sang),
de l’accessibilité des trajets (méridiens),
et de l’entretien des structures (tissus, peau).
C’est une invitation à repenser le soin non comme une action isolée, mais comme une relation continue entre les mains, le souffle et la matière vivante.
Car finalement, entretenir les puits du corps, c’est honorer la vie qui y circule.
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